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Fabienne Danzé : La Qualité du travail plutôt que la QVT

| 27 mai 2016
Fabienne Danzé : La Qualité du travail plutôt que la QVT

MIEUX a eu le plaisir de s’entretenir avec Fabienne Danzé, sociologue et psychosociologue qui intervient dans des entreprises en transformation. Elle nous parle aujourd’hui de l’évolution de la conception de santé mentale et de souffrance au travail.

Fabienne Danzé travaille au sein du cabinet Mon Carré Vert, expert sur la prévention des risques psychosociaux et la promotion de
la qualité du travail.

 

Ces dernières années, on parle beaucoup de mal-être au travail. Est-ce une notion récente ? 

Non, mais il y a une autorisation à aborder le sujet librement, ce qui n’était pas le cas avant. On parlait de souffrance au travail il y a quelques années, mais le terme était trop connoté. Puis il est devenu RPS, terme qui nous paraissait plus neutre, pour finalement basculer vers le terme de QVT. On voit bien l’évolution du mot qui vient atténuer la chose difficile à mentionner qu’est la souffrance.

Il est vrai que nous sommes baignés dans un contexte difficile en ce moment avec la loi El Khomri, l’ubérisation, les plans de licenciement importants dans des grandes structures qui jusque là assuraient une carrière à vie… Forcément, on est amené à se poser la question du devenir du monde du travail et notre place au sein de celui-ci.

 

Il est désormais obligatoire pour un employeur
de prendre en compte la santé mentale de ses employés. 

 

Depuis quand parle-t-on de santé mentale ?  

Depuis très peu de temps finalement. On a vu pendant la Première Guerre mondiale des personnes qui ne voulaient plus retourner dans les tranchées. À l’époque, ces soldats étaient traités de feignants et de tire-au-flanc alors qu’ils souffraient probablement de stress post-traumatique. Puis Charcot et Freud se sont intéressés à la question de l’inconscient et du psychisme, notions qui ont progressivement gagné le grand public. Après cela, la Guerre du Viêt Nam a aussi amené à penser à la réinsertion de personnes qui avaient vécu des traumas. Au final, c’est avant tout la médecine de guerre qui a mis en lumière les maladies mentales.

Plus tard, c’est Jacques Chirac qui lors de l’attentat du RER B en 1995 s’est étonné qu’il n’y ait pas de psychologues au chevet des patients, ce qui a permis de systématiser leur intervention dès qu’il y avait traumatisme. Puis ces idées sont arrivées jusqu’à l’entreprise. On se rappelle par exemple du plan d’urgence sur les RPS commandé par Xavier Bertrand, à l’époque Ministre du travail,  pour comprendre et faire cesser les suicides qui ont eu lieu chez France Telecom et au Technocentre de Renault.

Enfin, c’est la loi de modernisation sociale de 2002 qui a rendu l’employeur responsable de la santé mentale de ses salariés. Il est donc maintenant obligatoire pour un employeur de prendre en compte la santé mentale de ses employés en plus de leur santé physique et de leur sécurité.

 

Je préfère parler de qualité du travail plutôt que de qualité de vie au travail.

 

Le bonheur au travail est-il un objectif qui permet de répondre à cette responsabilité ? 

Cela dépend. Si par « bonheur au travail » on entend offrir une route lisse et douillette, sans risques ni challenges aux employés, je ne pense pas. Ce qui fait l’épanouissement et le bonheur dans la vie comme dans le travail, c’est la difficulté dépassée.

Je crois qu’il faut avant tout se concentrer sur le travail en lui-même, puis ses conditions et ses moyens. D’ailleurs, beaucoup de solutions proposées pour améliorer la qualité de vie au travail sont des solutions très externes à la nature même du travail : des massages, des cours de yoga, des salles de repos, etc. Finalement, il ne s’agit pas tant d’améliorer la qualité du travail que son contexte ici. C’est bien mais ce n’est pas suffisant. C’est pourquoi je préfère parler de qualité du travail plutôt que de qualité de vie au travail.

 

Les mentalités ont-elles changées depuis la loi de la modernisation sociale en 2002 ? 

Pas vraiment. Celle-ci a tout de même permis d’inverser le rapport de force entre la direction et les IRP (Instance représentative du personnel) dans certains cas. Par exemple, dans une des entreprises où je suis intervenue, le CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) a exigé d’un codirecteur qu’il mette en place une opération de sensibilisation aux RPS.

Mais trop souvent encore, les entreprises suivent ces formations pour qu’on ne puisse leur reprocher de n’avoir rien fait en cas de problèmes. Bien qu’il soit aujourd’hui évident et admis que le bien-être des salariés joue un rôle important sur leur vie et leur travail, c’est encore avant tout l’aspect légal qui fait bouger les lignes. C’est dommage !

 

Fabienne Danzé, sociologue et psychosociologue du travail

 

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