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François Delpierre, champion du mieux-vivre au travail

| 27 novembre 2015
François Delpierre, champion du mieux-vivre au travail

Nous avons échangé avec François Delpierre, responsable du pôle prévention des risques professionnels et formation chez Securex, afin qu’il nous parle de l’état de la prévention des risques en France en 2015.

Pour commencer, pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste votre travail ? 

Dès lors que les entreprises ont des problématiques d’absentéisme, on essaye d’apporter nos conseils et notre expertise en prévention des risques : faire un état des lieux, comprendre avec elles ce qui ne va pas, agir et suivre dans le temps. J’aime à dire que l’on aide les entreprises à préserver leur capital humain pour que, finalement, tout le monde gagne en performance. Nous avons la chance d’avoir 25 000 clients actifs et autant de cas différents. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de notre métier et notre source de motivation.

Il s’agit d’enjeux de prévention des risques et de qualité de vie au travail. D’ailleurs nous n’utilisons pas l’expression « qualité de vie au travail » mais « mieux-vivre au travail ».

En évoquant la prévention des risques professionnels, on pense à des risques techniques. Parle-t-on autant du risque de tomber d’un échafaudage pour un ouvrier que du mal de dos d’un fonctionnaire ? 

Effectivement, on pense d’abord aux risques physiques parce que c’est l’exemple le plus évident qui vient à l’esprit car plus facile à voir que l’ergonomie d’un poste de travail. Cependant, je pense qu’aujourd’hui nous avons intégré le fait que la prévention, dans sa globalité, concerne bien ces deux cas de figure. C’est-à-dire que les entreprises font autant attention aux risques physiques qu’aux risques psychosociaux (RPS). La preuve étant qu’avant, le document unique se cantonnait seulement aux risques physiques, ce qui n’est plus le cas maintenant. Et c’est bien normal car des liens existent entre les deux, les plus flagrants étant les Troubles Musculo-Squelettiques (TMS). La personne qui est à son poste de travail, un bureau avec ordinateur par exemple, doit aussi se préserver. L’ergonomie du poste de travail prend tout son sens aujourd’hui quand on sait que les TMS représentent 87 % des maladies professionnelles selon la CARSAT !

Notre culture du travail change, c’est une bonne nouvelle !
Peut-on dire que les entreprises ont pris conscience de l’importance de la prévention des risques ? 

Aujourd’hui les entreprises, les salariés ou les instances gouvernementales ne peuvent plus mettre de côté quelque chose comme le mal de dos au travail. Les TMS nous concernent tous. Quand on parle de prévention, il faut réaliser que ce n’est plus réservé qu’à une seule catégorie de salariés. Dans l’esprit des gens, la catégorie la plus accidentogène serait le BTP. Alors qu’en réalité, son taux d’accidents est en baisse comparé aux activités de service ou administratives où l’on recense une hausse des maladies professionnelles. Certainement parce que cela fait moins longtemps qu’on y prête attention.
La prise de conscience est là, et même pour les RPS. Avant, quand on parlait du burnout on parlait du jeune cadre dynamique, qui court partout, qui fait 80 heures par semaine. Maintenant on sait que ça peut toucher n’importe qui. Notre culture du travail change, c’est une bonne nouvelle !

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Y a-t-il encore des entreprises qui appliquent la prévention des risques seulement par obligation légale ? 

De moins en moins. Pour 66 % des entreprises, c’est une valeur à part entière. Il reste tout de même quelques « irréductibles Gaulois » pour qui travailler c’est produire, voire même prendre des risques. Avant on parlait des risques du métier : « si tu es un bon menuisier, il te manque forcément un doigt ». Cette culture du métier change. Aujourd’hui être professionnel, c’est produire en faisant de la prévention, de la qualité, en faisant du mieux-vivre au travail.

Deux pistes sont exploitées par les entreprises :

  • Le simple respect des obligations légales : les entreprises suivent les directives réglementaires qu’on leur propose, comme le document unique, pour rentrer dans le cadre légal. Elles doivent souvent faire appel à un spécialiste externe. En France, le législateur dit ce qui doit être fait mais ne dit pas comment le faire. À force d’essayer et de se rendre compte qu’on ne fait pas bien, il peut y avoir un certain découragement chez certaines entreprises.
  • La démarche globale : l’entreprise a choisi de prendre le sujet d’une autre façon et décide de rentrer dans ce qu’on appelle une démarche globale qui intègre plusieurs fronts : la sécurité, l’ergonomie, les RPS mais aussi un aspect RH avec l’absentéisme, les seniors, les gestions de carrière… Voire pour les plus avancées, la santé au travail ou à la maison. Sur ce point, je pense à un accompagnement sur la nutrition, à l’aménagement d’une salle de sport, à des séances d’ostéopathie ou de sophrologie. Par expérience, la démarche globale est mieux vécue dans les entreprises car tout le monde y gagne.

Pour 77 % des salariés, la prévention des risques est une valeur prioritaire. Si vous êtes dans une entreprise où vous voyez que la sécurité est la priorité, vous pouvez vous dire : « je travaille pour une entreprise qui ne me sacrifie pas sur l’autel du travail. »  Par ce biais, on touche à la première source de motivation des salariés : la visibilité qu’on leur donne.

En moyenne, l’absentéisme coûte 2,5 à 3 fois le salaire de la personne par jour d’absence.
Quel est le coût de la non-prévention des risques ? 

Aujourd’hui, il faut savoir que les entreprises où il y a des accidents de travail ou des maladies professionnelles sont rattrapées par la CARSAT. Plus il y a d’accidents, plus elles payent de cotisations. Elles sont donc invitées à investir sur la sécurité en amont, ce qui entraîne une baisse du nombre d’accidents non négligeable. En moyenne, une entreprise doit s’acquitter de 1 500 € par jour d’arrêt. Prenez le cas d’un arrêt d’une durée de 20 jours, cela représente un coût de 30 000 €. À cette somme s’ajoutent tous les coûts indirects à hauteur de 3 à 5 fois les coûts directs.

Sans oublier les cas de mal-être au travail. En moyenne, l’absentéisme coûte 2,5 à 3 fois le salaire de la personne par jour d’absence. La véritable plus-value de la prévention des risques se place au niveau humain bien sûr, mais aussi sur le plan économique.

Quel est le futur de la prévention ?

À ce jour, nous sommes très orientés sur les risques psychosociaux et sur les sources de motivation. C’est là une évolution clé en comparaison de l’ancienne vision de la prévention des risques. Je pense aussi que tout ne va pas mal et qu’il faut apprendre à capitaliser sur ce qui va bien ! Il faut que les entreprises aient confiance en leur organisation mais aussi en leurs salariés.

J’ai la conviction que demain, nous devrons de plus en plus nous concentrer sur les notions d’ergonomie, de conditions de travail, de bons gestes et de bonnes pratiques.
Ma conviction personnelle, c’est que les outils qui permettront cette évolution, ce sont les objets connectés. Les bracelets connectés, par exemple, sont des coachs personnels de bonnes pratiques. Les entreprises pourraient éventuellement capitaliser sur ce genre d’outils, comme à une époque où l’on encourageait les gens à arrêter de fumer en distribuant des patchs, à faire plus de sport ou à adopter une vie plus saine.

Les entreprises vont devoir évoluer dans leur façon d’aborder les choses, c’est une réalité. Il me parait évident qu’aujourd’hui, il faut remettre le capital humain au centre de toutes les démarches. La bonne nouvelle c’est que les choses changent, ça avance !
Encore un peu de patience…

 

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